Commission des affaires économiques
Examen de la proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements, en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores (n° 324) (Mme Aurélie Trouvé, rapporteure)
Mardi 15 novembre 2022
André Chassaigne. Je partage complètement cette initiative parlementaire alors que nous ne tenons pas les objectifs de rénovation thermique pour tenir nos engagements climatiques. Nous sommes non seulement très loin des 700 000 rénovations annuelles mais la qualité de ces rénovations en matière d’économies d’énergie n’est pas au rendez-vous, faute, trop souvent, de véritables rénovations globales des logements.
Pourquoi ? D’abord parce que le coût d’une au m2 d’une rénovation énergétique complète d’une maison individuelle est estimé de 300 à 400 euros / m2, c’est à dire en moyenne entre 25 000 et 50 000 € au minimum que ce soit pour une maison individuelle ou un appartement. Comme l’exposé des motifs du texte le précise, le reste à charge pour la plupart des ménages, après déduction de l’ensemble des aides, est bien trop élevé et stop net tout projet.
Au delà de l’insuffisance des moyens à dégager pour assurer nos objectifs, avec la possibilité de reste à charge zéro pour les foyers les plus modestes, c’est bien la complexité, la superposition des dispositifs, et les graves insuffisances dans l’accompagnement des ménages dans la conduite et le suivi des projets de rénovation qui pose problème. Le Défenseure des droits et la Cour des Comptes font le même constat : la multiplication des réformes des dispositifs d’aide, l’incompréhension devant les règles de cumul et l’absence de suivi réel freinent considérablement l’efficacité de l’action publique en matière de rénovation thermique.
Nous avons besoin d’un vrai service public de la rénovation énergétique qui ne soit ni un slogan, ni un service d’information dématérialisée ! Or, faute de pilotage national et d’engagement de l’Etat pour créer ce grand service public national, on continue d’assister à la juxtaposition de plateformes et de guichets de conseil de différentes agences de l’Etat (ANAH, ADEME) ou de collectivités qui n’ont pas les capacités de suivre du début à la fin les dossiers des ménages. L’étiquette peut bien changer tous les 2 ans - Habiter mieux, FAIRE, Ma Prim-Rénov, France Rénov… le problème demeure ! Il faut un vrai service public, identifiable partout sur nos territoires, avec des agents qualifiés, et qui ont les moyens non seulement d’informer mais surtout d’accompagner tout au long des projets les ménages. C’est en substance ce que dit la Cour des Comptes, que l’on ne peut habituellement pas taxer d’être une grande défenseure du service public ! Je dirais même que nous avons besoin de véritables fonctionnaires d’Etat, qui puissent, aux côtés des ménages plus fragiles, prendre en charge l’ensemble de la maîtrise d’ouvrage des chantiers de rénovation et s’assurer de leur conduite et de leurs résultats avec les professionnels qualifiés locaux qui doivent être privilégiés systématiquement,
Je le dis aussi avec une certaine forme de colère. Les plus modestes, les plus fragiles de nos concitoyens, comme les personnes âgées, sont de très loin les plus concernées par les passoires thermiques. Si nous ne comprenons pas que ces personnes sont vulnérables et qu’elles sont perdues devant des procédures incompréhensibles et dématérialisées, parfois harcelés et victimes d’arnaques par des démarcheurs privés, nous ne lèverons pas certaines difficultés de l’action publique dans ce domaine.
Aussi, non seulement il faut agir pour identifier les propriétaires des passoires thermiques, leurs occupants, mais être particulièrement pro-actif pour leur proposer et piloter du début à la fin des travaux les rénovations globales. C’est à dire qu’il faut que l’on puisse les accompagner tout au long de leur projet, en amont, avec l’information sur le coût, les dispositifs d’aide et l’amortissement en terme énergétique, et pendant, c’est à dire en montant avec les bénéficiaires et directement - pas sur Internet ! - les dossiers d’aides et en sélectionnant les entrepreneurs locaux les mieux qualifiés, en suivant les chantiers et en vérifiant leur conformité après travaux. Cela ne peut se faire qu’avec des fonctionnaires qualifiés, et présents sur les territoires. Nous en sommes vraiment très éloignés actuellement, faute d’engagement de l’Etat dans la construction d’un vrai service public.
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